#13 Journal d’Ulysse, l’as du confinement

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Ce discret pas d’éléphant en chaussons qui grimpe péniblement les escaliers, je le reconnaîtrais entre mille. Tellement discret qu’il me tire de ma sieste. Et vas-y, la clé qui farfouille pendant une bonne demi-heure, si je n’étais pas réveillé maintenant c’est fait. L’AUTRE fait un colocataire acceptable mais ne serait pas un très bon cambrioleur. Bon, ça va être l’heure de la prestation minimum. Je m’étire et hop, c’est parti ! Je m’assois bien sagement derrière la porte, un petit miaou de bienvenue, deux ou trois rapides passages dans les jambes en faisant bien attention de ne pas le faire tomber. Important ça, parce que se vautrer à cause de son chat c’est prendre un billet de première classe pour le 3è âge. Vu le moral des troupes, ce n’est sans doute pas nécessaire en ce moment. Allez, je me frotte encore un petit coup et ça va le faire, il aura sa dose et je pourrai retourner me coucher. 

Mais attends, c’est quoi ces poils sur son jean ? Des poils ROUX. Et cette odeur ? Approche un peu que je te renifle. Mais ce n’est pas du tout mon odeur, ça ! Horrible soupçon…

– Dis L’AUTRE, tu reviens d’où comme ça?

– Ben, je suis juste sorti faire deux, trois courses. T’as vu, j’en ai profité pour rapporter de l’herbe à chat, j’ai pris ta marque préférée. Toute fraîche, elle vient juste d’arriver.

Huit années de bonheur absolu, presque neuf. Dire que je lui ai sacrifié  les plus belles années de ma vie. Comment a-t-il osé ? Je vais la lui faire bouffer, son herbe à chat.

– Tu es encore allé caresser le sale rouquin de la cour, ose dire le contraire ! 

– Ulysse, ce n’est pas ce que tu crois. Aïe, arrête, tu me fais super mal avec tes griffes.

– Bien fait, t’as qu’à demander au chat de la voisine de te consoler puisque vous filez le grand amour.

– Il m’a sauté sur les genoux par surprise, je te jure que je n’ai rien eu le temps de voir venir. C’était un moment d’égarement, je te promets que ça n’arrivera plus.

Sur ce point, il a bien raison. Cela ne va effectivement pas se reproduire de sitôt parce que je ne suis pas prêt de le laisser ressortir. Ses attestations de sortie, quelque chose me dit qu’ il va pouvoir les mettre en vente sur Le Bon Coin.

Ulysse, votre coach en confinement

Pour se mettre dans l’ambiance, une liste de récits où il est question d’enfermement.

"Six problèmes pour Don Isidro Parodi" de Jorge Luis Borges et Adolfo Bioy Casares

Ecrites à quatre mains sous le pseudonyme de Bustos Domecq les nouvelles qui composent ce recueil prennent le contrepied du mystère de chambre close. Cette fois-ci, c’est l’enquêteur qui est en prison et qui résout les intrigues les plus alambiquées sans jamais quitter sa cellule et sans voir les protagonistes. C’est drôle, c’est brillant et parfaitement farfelu.

"Les chambres closes du docteur Hawthorne" de Edward D. Hoch

Les mystères de chambre close c’est ce sous genre policier à mi-chemin entre les jeux cérébraux et la littérature. L’enquêteur est confronté à un meurtre, un vol a priori impossible, totalement incompréhensible qui se produit dans une pièce hermétiquement close ou une variante, genre île déserte. Il n’est pas impossible  que la nouvelle d’Edgar Allan Poe « Double assassinat dans la rue Morgue » soit le tout premier récit du genre et en France, "Le mystère de la chambre jaune" de Gaston Leroux est sans aucun doute le roman le plus célèbre du genre. Quand l’auteur est talentueux, c’est tout à fait divertissant bien que la résolution de l’énigme soit parfaitement impossible. C’est le cas des nouvelles qui figurent dans le recueil, best of de celles que l’auteur publia durant une trentaine d’années dans différentes revues. C’est toujours disponible en poche, chez Rivages/Noir.

"Du domaine des murmures" de Carole Martinez

1187, quelque part au Royaume de France… Esclarmonde, quinze ans refuse le mariage que son père veut lui imposer et préfère devenir recluse. Recluse, c’est à dire “emmurée vivante”, dans une cellule jouxtant l’Eglise, que l’on construit spécialement pour elle. Comme seule possibilité de contact avec le monde extérieur, la petite trappe qui lui permet de suivre la messe dans la chapelle attenante et de recevoir sa nourriture. Le statut de recluse lui vaut un prestige certain et fait d’elle une sorte d’intercesseur entre le Ciel et les croyants. Ce prestige gagne encore le jour où Esclarmonde -entrée vierge dans sa réclusion- accouche d’un garçon. On accourt désormais de loin pour avoir le privilège de s’entretenir avec elle, à travers sa lucarne. Esclarmonde trouve dans la présence de ce nouveau-né une force nouvelle ainsi qu’une certaine forme d’équilibre. Jusqu’au jour où l’enfant, qui grandit, ne peut plus franchir la lucarne, frontière entre sa mère et le monde… "Du domaine des murmures" est un roman éblouissant, d’une force peu commune et d’une grande originalité. L’écriture est classique et élégante mais ne manque pas de personnalité, les personnages -et en premier lieu Esclarmonde- sont inoubliables. À la suite de la lecture du roman de Carole Martinez, je me suis un peu documenté sur le sujet et j’ai été assez étonné d’apprendre qu’il était possible de faire ce choix de vie un tantinet extrême de la réclusion jusque dans les années 60 (en Italie). Disponible en folio.

"Le joueur d’échecs" de Stefan Zweig

On ne présente plus ce court chef-d’œuvre. S’il se trouve quelque part chez vous, c’est le moment de le lire ou de le relire. 

"Le Comte de Monte Cristo" d'Alexandre Dumas

Un autre classique récit, le Comte de Monte-Cristo. Il faut bien que je vous avoue que je ne l’ai jamais lu et si je le fais figurer dans cette liste où l’idée c’est quand même d’avoir lu et aimé les livres que je présente, c’est que le roman figure sur la liste des livres qu’on peut télécharger gratuitement sur le site e-livre.sncf.com, l’une des nombreuses ressources numériques gratuites que Juliette a cherché pour vous et à laquelle vous pouvez accéder dans la rubrique ACTUS de notre site. Le choix est suffisamment large pour nous permettre de patienter jusqu’au COVID 24.

"Newjack" de Ted Conover

Nous avons eu le plaisir de recevoir ce journaliste d’investigation américain à la librairie il y a quelques années. Parce qu’il se voit refuser l’entrée du pénitencier de Sing Sing en tant que journaliste, Ted Conover se fait engager comme gardien dans cet établissement de haute sécurité. Il résultera de cette expérience un livre qui vaudra à son auteur d’être retenu parmi les nominés au prix Pulitzer et de se voir décerner le prestigieux prix annuel décerné par le National Book Critics Circle. Un récit que j’ai trouvé passionnant. Aux éditions du Sous-sol, pas sorti en poche. 

"Dix jours dans un asile" de Nelly Bly

Ce récit est sans doute le tout premier reportage undercover de l’histoire du journalisme ! Et il est aussi intéressant qu’important historiquement. Nelly Bly a une vingtaine d’années quand elle se fait engager en 1887 dans un célèbre journal new yorkais pour mener, incognito, l’enquête sur les conditions de vie dans un asile. Elle va donc se faire passer pour folle durant une dizaine de jours et rapportera de cette expérience un reportage glaçant sur les conditions de vie des pensionnaires de cet établissement. Sorti aux éditions du sous-sol et aujourd’hui disponible en poche. Je crois me souvenir que dans l’édition originale que je n’ai plus, deux autres enquêtes – toujours menées incognito, l’une comme ouvrière dans une usine de fabrication de boîtes en carton, l’autre en tant que femme de ménage complètent ce récit. J’imagine que ces deux enquêtes ont également été reprises dans l’édition de poche.

"L’hôtel aux barreaux gris" de Curtis Dawkins

L’auteur du bouquin, diplômé de lettres, n’a pas le profil classique du gars mis sous les barreaux pour crime crapuleux. N’empêche qu’il a tué un homme dans un braquage qui est parti en vrille alors qu’il était sous l’influence de substances diverses. Il a pris perpétuité. Aux Etats-Unis, ce qui veut dire qu’il ne sortira plus jamais de détention. Le savoir éclaire d’une lumière particulière les textes qu’il rapporte, sans que la frontière entre la fiction et le récit soit clairement précisée. Il raconte l’attente, les violences, les phases de dépression à travers le parcours et le quotidien de différents prisonniers. Chez Fayard, pas d’édition de poche.

Le Mars club, de Rachel Kuschner

Romy se retrouve à la case prison, et pour un bon moment, après avoir tué un client du club de striptease où elle exerçait. Radiographie de la société américaine par le prisme de la prison et de ses détenues terriblement humaines. Paru chez Stock et maintenant disponible en livre de poche.

"La cache" de Christophe Boltanski

Pendant la Seconde Guerre mondiale, le grand-père de l’auteur a vécu deux ans dans une minuscule cachette dissimulée dans la demeure familiale afin d’échapper aux nazis. Ce livre est également le portrait de la « tribu » Boltanski, une famille hors-normes, riche en personnages très romanesques au premier rang desquels figure l’incroyable grand-mère de Boltanski.

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