L’INCONNU DE LA POSTE – Florence Aubenas

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Ce livre, l’éditeur l’avait présenté aux libraires il y a deux ou trois printemps, lors de la présentation de sa rentrée littéraire à venir. Pour l’occasion on nous avait même lu quelques extraits du récit. Et puis, plus rien. Disparition totale du radar des publications à venir. Forcément, on s’interrogea.  Panne d’écriture ? C’était peu probable, le livre était en phase d’achèvement. Que s’est-il donc passé ? Quelle est la cause de cette déprogrammation de plusieurs années ? On a la réponse à la lecture de ce récit, entièrement repris par Florence Aubenas à la lumière de l’ultime (?) rebondissement qu’a connu l’enquête dix ans après les faits alors même qu’elle mettait un point final à son texte.

Retour sur les faits en question : un matin de décembre 2008, une jeune femme, Catherine Burgod, qui tenait seule le petit bureau de poste de Montréal-la-Cluse, un village de l’Ain, est retrouvée assassinée de vingt-huit coups de couteau sur son lieu de travail. La recette, moins de 3000 euros, a été dérobée.

Un voisin est rapidement placé en garde à vue puis relâché rapidement faute de preuve. Mis en examen en 2013 dans le cadre de cette même enquête, il sera à nouveau incarcéré et remis en liberté en 2015, toujours par manque de preuves. Cet homme n’est pas un inconnu. Il s’agit de Gérald Thomassin, acteur césarisé en 1991 pour son premier rôle tenu à dix-sept ans dans le film de Jacques Doillon, Le petit criminel. Ce succès initial et la carrière cinématographique qui s’ensuivit n’ont pas permis à Thomas Thomassin de stabiliser une existence mal engagée. Environnement familial chaotique, placement en familles d’accueil (l’une éminemment toxique) et à la DDASS, addiction à l’alcool et à diverses substances, il cumule les problèmes. Le talent qu’on lui reconnaît dans le métier lui permet tout de même de se voir proposer des rôles régulièrement. Entre les tournages, c’est à peu près n’importe quoi. Il disparaît des semaines, se retrouve à la rue, l’argent vite gagné est encore plus rapidement dépensé. Faire la manche devient parfois son principal moyen de subsistance. C’est un Gérald Thomassin cabossé par la vie qui quelques mois avant le meurtre vient presque par hasard s’installer dans un logement qu’on lui a alloué dans un immeuble HLM abritant certains de ceux qu’au village on appelle volontiers les cas sociaux. Son comportement intrigue, ses remarques paraissent étranges… Est-ce qu’être un marginal fait forcément de vous un coupable ?

Florence Aubenas a enquêté pendant 7 ans, elle a rencontré Thomassin à plusieurs reprises ainsi que les protagonistes qui ont bien voulu lui parler. On suit avec elle les étapes et les rebondissements de cette enquête qui malgré les années qui passent n’est jamais devenu un cold case en raison de l’acharnement des enquêteurs et peut-être aussi de la personnalité de la victime, fille d’un homme « qui compte » dans le pays. On plonge avec elle dans le quotidien de ce village ordinaire chamboulé par un crime d’une grande sauvagerie. Jusqu’au coup de théâtre final.

L’inconnu de la poste est un récit passionnant qui se lit d’une traite. Florence Aubenas mène son enquête sans volonté de voyeurisme et avec respect pour les différents protagonistes. Elle nous permet de nous immerger dans le quotidien d’un village parmi tant d’autres et de leurs habitants avec leurs secrets, leurs rêves et les drames qui surviennent parfois.

L’olivier – 19€

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