R comme… REUNION DE RENTREE

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Oh monsieur l’éditeur, vous nous avez gâtés.

La librairie est ouverte de 10h à 19h30, comme vous le savez ; vous nous voyez de jour, mais savez-vous ce qui se passe le soir, quand votre libraire sort de sa tanière ? Je voulais raconter une autre tradition de libraire, qui anime ses soirées de printemps : au mois de mai et de juin, c’est le grand bal des éditeurs.

Tout commence par cette histoire de rentrée littéraire, qui affole tant le petit milieu de l’édition. Au printemps, les éditeurs se démènent pour que les journalistes et les libraires lisent leurs livres, et n’hésitent pas à sortir le grand jeu. On reçoit dès le mois d’avril des cartons d’invitation de la part d’un nombre grandissant d’éditeurs. Notons la variété des propositions : petit-déjeuner, brunch, déjeuner, cocktail, dîner, sur un bateau, dans un jardin d’hôtel particulier, dans un théâtre, au musée, à table ou buffet. Si je me débrouille bien, je ne fais même plus les courses pour remplir mon frigo, les éditeurs pourvoient à tous mes besoins nutritionnels journaliers. En connaissance de cause, je me rends à certaines réunions plus pour leur buffet que leurs livres ; ce qui ne veut cependant pas dire que je lirai et défendrai plus ces livres, même si je me souviens avec tendresse d’un canapé au magret de canard. Je ne suis pas affamée à ce point.

A part se remplir le gosier, c’est aussi le moment de revoir ses consœurs et confrères libraires et autres connaissances du milieu éditorial. Quand on débute, cela ressemble à Qui est-ce ? (« mais si je la connais, brune, petit gabarit, cheveux courts, rire hors du commun, c’est … c’est … »). Gros effort de mémorisation de noms, si on ne veut pas commettre d’impair. C’est aussi le genre d’occasion où l’on apprend l’art de la périphrase et du sauvetage de face (« mais à qui suis-je donc en train de serrer la paluche ? »). Une fois les premières fois passées, genre libraire sérieux et consciencieux qui prend des notes, ne boit qu’un verre, et rentre vite lire la pile de services de presse qu’il a récupérée, une fois qu’on a trouvé un ou deux binômes coopératifs, on évolue comme un poisson dans l’eau de son milieu professionnel. On se refile les bons tuyaux (« T’as lu quoi de bien, toi ? ») et on balise l’itinéraire (« Tu vas au petit-déj sur la péniche ? Nan ? On se retrouve au truc de jeudi soir alors ? »), et à nous les petites histoires du microcosme, entre considérations stratégiques dignes de téléfoot en ce qui concerne les transferts (qui bosse pour qui) et télénovella sentimentale (qui bosse sur qui).

Mais trêve de mondanités, et passons au cœur du canard, à savoir les livres. Là encore les éditeurs vous proposent diverses formules, genre grand oral de l’éditeur, assis derrière un long bureau, devant l’assemblée de libraires, ou alors c’est l’auteur qui s’y colle, ou alors c’est l’interview éditeur-auteur, avec option lecture d’un extrait par l’écrivain ou un comédien. Le tout étant d’être inspiré bien sûr. Rien de pire que l’assemblée de notaires, qui tire en longueur et annihile toute sympathie pour la production d’un éditeur. Je reconnais que l’exercice n’est pas facile, et le public difficile : quoi de plus difficile que de vendre un livre à un vendeur de livres ? On passe notre temps à brasser pour convaincre l’auditeur de mettre la main à la poche, à trouver des accroches séduisantes, alors quand un éditeur se contente de la lecture d’un argumentaire commercial basique, ou pire, se lance dans de fumeuses logorrhées, en général, ça casse. Si en plus ça traîne, que le soleil se couche, que le déroulé de la soirée est en mode limace paralytique, que le buffet est hors de portée, tout cela vire au calvaire. On paie cher la coupette de champagne. Ami éditeur, si tu te lances dans cette histoire de réunion de rentrée, par pitié, sois synthétique et précis, si ce n’est enthousiaste, car imagine-toi que moi en face, je dois enquiller une dizaine, voire une vingtaine, voire plus, de ce type de réunions. L’indigestion me guette, et pas seulement à cause de la montagne de canapés au magret de canard que je me suis enfilée. Et qu’il y aura peu d’élus à la lecture, en regard de la quantité de livres produite. Je préconise donc pour l’année prochaine des shows dansants, avec pyrotechnie si possible, histoire de surprendre son public. Sinon des éditeurs qui causent avec passion, c’est pas mal non plus.

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