La Corse d’Antoine Albertini

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La Corse ne produit pas seulement des charcuteries savoureuses et des polyphonies, c’est aussi le théâtre de très bons romans noirs (lire ou relire l’excellent Morturiu de Marcu Biancarelli, paru chez Actes Sud et disponible en poche). Deux livres d’Antoine Albertini, tous deux édités chez Lattès viennent de sortir en poche Les Invisibles, un récit et Malamorte, un roman. Deux mots sur l’auteur, d’abord  : Antoine Albertini est corse, vous l’aviez deviné, et il est aussi journaliste. Rédacteur à France 3 Corse, il est le correspondant du journal Le Monde dans l’île depuis une quinzaine d’années. Albertini connaît à l’évidence bien son sujet, l’île et ses habitants.

"Les Invisibles, une enquête en Corse" (Points - 6,60€)

L’île a beau être une véritable montagne dans la mer, la Corse est aussi une importante région agricole grâce à la plaine orientale où se concentre une grande partie de la production. L’agriculture et en particulier la production de fruits est une activité qui demande beaucoup de main-d’œuvre, une main-d’œuvre peu qualifiée, peu payée… et souvent non déclarée. Pour les besoins d’une enquête, Antoine Albertini a rencontré en 2009 un travailleur sans papier d’une quarantaine d’années, El Hassan M’Sarhati qui témoigna des très mauvaises conditions de vie de la main-d’œuvre employée dans les exploitations corses. L’homme s’inquiétait que ce témoignage puisse mettre sa vie en danger. Quelques temps plus tard, il sera effectivement assassiné d’une balle de fusil de chasse tirée dans le dos, sur un petit chemin de campagne. Vengeance liée à ce témoignage ? Embrouille entre clandestins ? Mari jaloux ? Meurtre crapuleux ? Les pistes sont multiples mais la police ne mettra jamais la main sur l’agresseur. Albertini va mener l’enquête durant plusieurs années, une enquête à la fois policière et sociologique puisqu’il met en évidence certains maux dont souffre l’île : le racisme décomplexé de certains de ses habitants, une économie dont l’équilibre repose beaucoup sur l’exploitation des clandestins et des non-dits qui arrangent pas mal de monde. Un récit éclairant et haletant.

"Malamorte" (Le livre de poche - 7,70€)

Nous sommes ici dans un pur roman d’enquête et on retrouve quelques archétypes propres au genre. Un policier cassé, hanté par les démons d’un drame personnel, porté sur la boisson et mis au rencard à la suite de plusieurs incartades. Responsable (et unique personnel) du Bureau des Homicides Simples, ce capitaine de police sans nom se retrouve à investiguer  sur une affaire qui se révèle plus complexe que le « drame familial » auquel on pensait d’abord avoir affaire. A l’occasion de cette enquête, on plonge avec le héros dans les dessous peu ragoûtants de l’affairisme immobilier et des petits arrangements entre amis. En parallèle à cette enquête, il est également confronté à deux crimes qui laissent penser que l’île abrite un psychopathe doublé d’un prédateur sexuel. Cette deuxième intrigue met aussi en évidence les bisbilles entre police et gendarmerie, fonctionnaires détachés du continent et insulaires. La construction du roman est efficace à défaut d’être profondément originale et l’intérêt de Malamorte tient beaucoup à la qualité d’écriture d’Albertini, qu’on avait déjà pu apprécier à la lecture du récit chroniqué plus haut. 

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