L’ILE INVISIBLE – Francisco Suniaga

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invisible Une île tropicale, les palmiers, la plage… comme un goût du paradis. Mais ce n’est pas pour faire du tourisme qu’Edeltraud Kreuter, retraitée allemande débarque un beau matin dans l’île vénézuélienne de Margarita. Elle est venue chercher la vérité sur le décès accidentel de son fils Wolfgang, qui s’est noyé quelques mois plus tôt. Wolfgang était installé à Margarita avec sa jeune et belle épouse Renata, où le couple avait ouvert un restaurant de plage qui marchait très bien. La noyade, un accident bête dans un endroit connu pour être dangereux. Sauf qu’Edeltraud et son mari ont reçu une lettre anonyme affirmant que leur fils n’était pas mort par accident, mais que sa femme et l’amant de celle-ci l’avaient assassiné. C’est pour connaître la vérité que la retraitée allemande fait le voyage jusqu’au Vénézuéla.

Présenté comme cela, on se dit qu’on a affaire à un polar assez classique, sauf que justement pas. L’intérêt du roman ne réside pas dans la résolution d’une énigme, (d’ailleurs Edelkraut ne vient pas pas animée par un esprit de vengeance), mais par la confrontation de deux façons de vivre et de penser radicalement différentes. Consciente qu’elle seule n’est pas à même de se débrouiller dans ce Vénézuéla dont la culture, les habitudes lui échappent complètement, Edelkraut fait appel à un avocat local, José Alberto Benitez qui connaît l’Allemagne pour y avoir étudié et va prendre en charge les recherches.

Au fil des pages et des recherches de Benitez, on plonge au coeur de cette petite île où chacun se connaît, où les maux dont souffre une société un peu corsetée, nonchalante, semblent exacerbés par l’éloignement de la capitale et le caractère insulaire de l’endroit. Un paradis, est-ce si sûr ? Benitez comprend par de nombreux témoignages que Wolfgang a eu du mal à trouver sa place. Il s’est mis à boire beaucoup et s’est trouvé une passion dévorante pour les combats de coqs, un loisir prisé des locaux. Sauf que cette passion a pris une ampleur déraisonnable, qu’elle lui a coûté de l’argent, sa santé et sans doute l’équilibre de son couple.

D’une lecture très fluide, L’île invisible est cependant un roman plus complexe qu’il y paraît. Sur une trame de faux polar, il aborde les thèmes des illusions perdues, celles de Wolfgang comme celles de Benitez et de ses amis intellectuels revenus de bien des utopies politiques. Il nous parle d’amour de la littérature à travers la quête de Benitez le sens d’un rêve qui lui échappe, véritable intrigue parallèlle. Et il nous parle bien sûr aussi de la passion qui peut consumer le coeur d’un homme.

En cette période de forte actualité littéraire, il serait dommage que ce premier roman traduit de l’auteur passe inaperçu, car il est à la fois très accessible, fort bien écrit/traduit, et nous propose des personnages riches et complexes, loin des archétypes. C’est le moment où jamais de faire preuve d’un peu de curiosité et d’aller voir au-delà des 10 ou 15 bouquins dont tout le monde parle les nouveautés qui valent le coup qu’on s’y intéresse. L’île invisible en fait clairement partie.

Traduit de l’espagnol (Venezuela) par Mart Martinez Valls

Editions Asphalte – 21 euros

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