Deux beaux recueils viennent de paraître, de ce genre littéraire – la nouvelle – dont les Américains sont aujourd’hui les maîtres incontestés.
A tout seigneur tout honneur, commençons par Incandescences, de Ron Rash. Rash est connu des lecteurs français grâce à ses quatre romans précédents. Incandescences est son premier recueil de nouvelles a être traduit chez nous. Rash est également poète, nous apprend l’éditeur; c’est une dimension qu’on perçoit immédiatement, dès la lecture de la première nouvelle et c’est une impression qui ne nous quitte plus. Les 12 histoires qui composent Incandescences se passent toutes dans les Appalaches, cette région de vieilles montagnes de l’Est des Etats-Unis, où les gens semblent ancrés à leur terre, génération après génération. Une région où la vie reste rude, où elle l’a toujours été. Rash nous y balade, à travers les époques. Si la plupart des nouvelles ont pour cadre une Amérique contemporaine, d’autres nous parlent de la guerre de Sécession, de la grande dépression des années 20 sans qu’on ait l’impression que ce bout d’Amérique ait tant changé. La drogue, la misère, l’isolement et le violence qui en découle… les thèmes abordés par Ron Rash sont ceux d’autres auteurs américains ( Pollock, Woodrell , Offutt…) qui nous parlent de l’Amérique rurale contemporaine :, mais Ron Rash le fait avec un ton, et une poésie justement, qui n’appartiennent qu’à lui. Ne vous laissez pas arrêter par la présentation de l’éditeur qui en quatrième de couverture nous vend ces nouvelles comme autant de « portraits de désespoir rural » (!). C’est noir, certes, mais je vous garantis que vous ne regretterez pas votre lecture.
David James Poissant est un nouveau venu, et comme souvent on est redevable de la découverte de cet auteur étasunien à la collection Terres d’Amérique. Le paradis des animaux, son premier recueil de nouvelles, montre déjà une impressionnante maîtrise. D’animaux, il est en effet question dans la plupart des 15 nouvelles, mais ce qui constitue le véritable fil rouge de ce recueil, c’est la famille, les chocs qui la mettent à l’épreuve, les rancoeurs qui s’accumulent, les actes que l’on regrette et sur lesquels on aimerait revenir. Transparents, farfelus, paumés ou carrément à l’Ouest, les personnages de Poissant aussi différents que les nouvelles qu’ils inspirent. Tour à tour drôles ou poignants, flirtant parfois avec le fantastique ou la réalité la plus crue, les récits de Poissant forment un tout cohérent sans jamais donner l’impression de doublonner. Cela nous donne une idée de l’étendue du talent de ce jeune auteur qui est à l’évidence un écrivain à suivre. C’est aussi ce que pense Augustin Trapenard , qui lui consacrait une présentation il y a quelques jours dans le Grand Journal de Canal plus.
Amateurs de littérature nord-américaine, à vous de vous faire maintenant votre propre idée.
Incandescences est traduit de l’anglais (E.U.A) par Isabelle Reinharez. Editions du Seuil – 20 euros
Le paradis des animaux est traduit de l’anglais (E.U.A) par Michel Lederer – Albin Michel (Terres d’Amérique) – – 25 euros