A comme… AOUT

A comme… AOUT

Pendant l’été, le club des Cinq adorent faire une escapade nautique sur le bassin de la Villette avant de se rendre dans leur librairie préférée. La première arrivée a droit à un livre de bain.

Reprenons les mauvaises habitudes et ce blog, après interruption. Le suspense était à son comble : oui vous aurez une 2ème saison. Mais prenons un peu de recul ; alors que nous sortons KO de la jungle du mois de décembre tels des Stallone bourrus et courbatus par les combats, je me disais qu’il serait plaisant d’évoquer le contraire, à savoir les plaines arides du mois d’août. Ce n’est pas de ma faute, le traumatisme est trop important. On reparlera de Noël au mois de juin.

Le mois d’août, donc. 31 jours. Entre juillet et septembre en général. Les plus assidus savent qu’il précède la rentrée littéraire (ce marronnier de l’édition, genre bal des débutantes, où chacun revêt ses plus beaux atours, jaquettes, bandeau et nouvelle maquette, pour lancer des auteurs dont les feuilles, espérons-le, tiendront aussi l’hiver) et qu’on en profite donc pour bûcher sur les programmes des éditeurs. Enfin, chacun son caractère et son école ; certains préfèrent la chasse au papillon, d’autres finissent leurs cahiers de vacances assidûment. Ca me fait toujours plaisir de les revoir arriver, ces offices de mai (mais non il n’est jamais trop tôt) avec tous les cahiers de vacances, de la petite section (puisque je vous dis qu’il n’est jamais trop tôt) au collège. Ensuite les troupes adolescentes sont plus difficiles à canaliser… Phénomène remarquable à propos des cahiers de vacances, le système des vases communicantes qui dit que si Môman achète un cahier de vacances à Fiston, celui-ci geindra ; mais si Junior le réclame à corps et à cris, à coup sûr le lucide parent lui rappellera qu’il n’a jamais dépassé les 3 pages des opus achetés précédemment. Ah l’éternel et laborieux triangle amoureux.

Température moyenne à cette époque-là à Paris, environ 24°C. Donc la vitrine se transforme en pernicieux four, qui cuit livres, libraires et clients. Heureusement la librairie s’est doté d’un ingénieux système de refroidissement de l’ambiance, appelé climatisation. On se tâte pour savoir si on ne va pas mettre sur la porte, comme dans certains restaurants, « espace climatisé », histoire d’attirer le chaland. Car oui, le problème du mois d’août, c’est bien l’absence de clients. Les derniers offices de juin éventés, des alizés qui vous mènent loin des rives de la Seine, la moitié des commerces qui hibernent… nous voilà seuls sur le navire. Notez que ce n’est pas désagréable, un peu de calme. On fait ce qu’on a repoussé depuis des lustres (les retours de petits éditeurs enfouis dans la réserve par exemple, ou le grand ménage de la caisse, qu’on vous cache soigneusement, car si vous saviez…). On médite. On range. Et dès lors que vous passez la porte, vous pouvez être sûrs d’avoir un accueil Cinq Etoiles Grand Luxe. Plus vous êtes rares, plus vous êtes précieux : on se prend à discuter, à prendre notre temps pour disserter sur les livres, ou sur d’autres choses d’ailleurs… quand on a parlé à personne pendant deux heures, et que même le soliloque tourne court, on est prêt à caqueter plus que de raison.

On reçoit aussi la quotidienne visite d’une petite troupe de fillettes qui passent l’été à Paris, et ont bien remarqué que parfois on s’ennuyait, et qu’il était temps de réviser notre BAFA. Comme certains ne l’ont pas, c’est encore plus drôle.

Sauf qu’il est un trou noir, appelé le 15 août, qui laisse libre court à la folie ambiante dans ces rues de Paris désertées dignes d’une ville fantôme du Far West. Un client m’a expliqué qu’à cette époque les hôpitaux, et les institutions psy fermaient ou marchaient à demi-régime, et que c’était le jour de sortie. Que je ne m’étonne donc pas si une dame rentre en chemise de nuit et pieds nus dans la librairie, saisissant un abécédaire pour enfants et proclamant qu’il est parfait pour les aveugles. Et de rester stoïque quand elle me dit qu’elle veut m’acheter des pensées. Les fleurs, pas les réflexions. Evidemment.