L comme … LOI

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Vous avez fait des études de droit ? vous aimez l’ordre* ? vous êtes capables de comprendre des textes abscons ? d’en découdre avec un contradicteur ? Engagez-vous : devenez libraire !

Chacun ses fantasmes, mais j’ai un faible pour un navet dont l’accroche fameuse était « I’m the law ». Résultat des courses, on se raccroche à la première venue, et en librairie, c’est la loi Lang, dite du prix unique, plus connue sous l’expression « non, je ne vends pas des tapis monsieur ».

Bien sûr le premier péquin venu clamera que nul n’est censé ignorer la loi, mais, je vous l’accorde, le temps des dix commandements est révolu depuis Napoléon. Alors je vous l’apprends peut-être, mais il existe une jolie loi qui fixe le prix du livre : l’éditeur choisit le prix de l’ouvrage qu’il publie, et les revendeurs doivent s’y conformer, et ne peuvent accorder une remise supérieure à 5%. D’où les fameuses cartes de fidélité et autres prix verts. Le prochain qui proclame que c’est moins cher à la F*** a un gage, ou une petite discussion avec Judge Dredd. Vous pensez que c’est gai comme une file devant une épicerie soviétique pendant l’hiver 72, mais consolez-vous en vous rappelant que vous n’aurez pas à affronter des soldes belliqueuses pour dégoter le petit roman hongrois de vos rêves. En conséquence, inutile de marchander. D’ailleurs, rien qu’à voir la tête du libraire invité à la danse des prix, les plus vindicatifs y perdraient leur ardeur. Le marchandage est légalement interdit, et cela ravit le libraire, qui sera d’autant plus volubile sur d’autres thématiques (météo & autres broutilles).

Il faut bien l’avouer aussi, depuis que la hache de guerre des prix est enterrée, on vit plus paisiblement : les librairies indépendantes (sur)vivent grâce à la loi Lang. Avant celle-ci, le décret Barre sur le « prix conseillé » permettait aux grandes surfaces et aux enseignes spécialisées, nouvelles venues sur le marché, d’asphyxier la concurrence, et de ce fait, de normaliser et appauvrir l’offre de livres. Vous souvenez-vous des disquaires de quartier ? non ? bah c’est normal, ils ont disparu depuis belle lurette. On achète ses CD de façon solitaire, dans une grande surface, ou sur internet. A peine un vendeur grognon dans les parages ; dès lors, avec qui partager son amour pour la pop thaïe ?

Une poignée d’irréductibles éditeurs gaulois, craignant pour la création littéraire, est montée au créneau, et loi fut votée dans la foulée de l’élection de Mitterrand. Mais les adversaires n’en démordaient pas (les centres Leclerc annonçaient un « prix Leclerc » et un « prix Mitterrand » : la classe) : on dut ajouter un décret avec contravention pour les réfractaires. Na.

Aujourd’hui cette loi fait consensus dans le petit monde du livre, car elle protège les librairies, qui, puisqu’elles n’ont plus à croiser le fer avec leurs concurrents sur le terrain des prix, n’ont plus qu’à se démarquer des autres stratagèmes, genre une offre qualitative, adaptée ou exigeante (« ouh mais regardez le roman graphique muet autrichien que je vous ai dégoté »), et un service plus personnel (avec blagues). En définitive, la loi Lang protège les librairies, les éditeurs, mais aussi les livres, et les lecteurs. N’en déplaisent à ses détracteurs qui se réveillent régulièrement pour tenter de la saborder. Pirates!

*alphabétique, au moins.

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